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Les données chiffrées
Les données chiffrées
publie 21 octobre 2010

Semi rigide contre tout suspendu

Test inédit : alors, qui est le plus efficace ?

Pour la première fois, nous te proposons un duel d’un genre particulier entre un hardtail en carbone et un tout-suspendu de 140 mm. Pourquoi particulier ? Parce que ce comparatif s’appuie sur une démarche scientifique avec des données chiffrées recueillies sur le terrain. Pascal Tribotté, directeur technique d’Engine Lab, nous a fait bénéficier de son expertise éclairée pour ce test, dont l’un des mérites est de bousculer pas mal d’idées reçues.

"Alors, ce vélo tu le trouves comment ?
-  Bof, pas très rigide.
-  Ah bon ? Moi si, cava...".

Ce genre de scénario un peu caricatural, tu l’as peut-être déjà entendu au détour d’un sentier entre deux potes en train d’échanger leurs impressions sur un vélo. Et c’est normal : quand il est question de ressenti, il n’est pas rare que les opinions divergent. une fois, on est d’accord, l’autre un peu moins. Avis opposés ou nuancés, en tout cas, nous ramènent à un même constat : les sensations sont, par définition, subjectives et ce que perçoit l’un, l’autre ne le perçoit pas nécessairement de la même manière. Une multitude de paramètres peuvent expliquer ces décalages de jugement : différence de pratique, de niveau physique ou de pilotage, habitudes liées au vélo qu’on utilise et on en passe... De fait, les ressentis de chacun peuvent s’avérer très relatifs. Alors, au détour d’une conversation, quand Pascal Tribotté, directeur technique de la marque Engine Lab et éminent ingénieur, nous a proposé d’aborder un essai via une approche scientifique, avec des données chiffrées et un protocole précis, on a été intrigués. Et l’idée a germé de mettre en place un test grandeur nature en mettant face à face un tout-suspendu Engine Lab et un hardtail. L’opposition fait toujours débat : il y a les inconditionnels du semi-rigide, ceux qui ne jurent que par le 100 % amorto, ou encore ceux qui se trouvent entre les deux... Mais au fond, qui a raison ? Quelle est la monture la plus efficace sur un terrain donné ? Sur quels critères de performance peut-on s’appuyer pour affiner le jugement ? Autant de questions qui méritent d’être posées. Bien sûr, le test qui va suivre n’a pas la prétention de donner des réponses définitives, mais il a l’immense mérite de rationaliser le propos. De coller des chiffres sur des sensations, grâce à des mesures précises et une démarche scientifique. Et parfois, cela bouscule certaines idées revues...

LES PROTAGONISTES

Dans ce duel, nous avons mis aux prises un Engine Lab de 140 mm de débattement, en aluminium, et un semi-rigide en carbone (doté d’une fourche Sid WC de 100 mm), vélo que nous avons maquillé pour les besoins du test. L’équipement des deux bikes (transmission, accessoires) était très semblable comme tu pourras le vérifier par ailleurs sur les fiches techniques. La paire de roues était, elle, strictement identique, pour la pertinence du test ; il n’était évidemment pas concevable d’équiper les vélos de deux trains roulants différents. Il faut souligner, de plus, que la roue arrière était ici équipée d’un moyeu Powertap, ce qui explique son surpoids (+300 gr.). Sur la balance, justement, l’Engine Lab affiche 11,78 kg, tandis que le hardtail est à 10,01 kg, soit 1,77 kg de différence. voilà, les acteurs sont prêts...

LE PARCOURS

Ni trop facile, ni trop dur, d’un niveau technique moyen, mais relativement varié... Le lieu de ce test, en région parisienne, se voulait le plus commun possible, finalement un terrain qui, en condensé, ressemble à celui que beaucoup de pratiquants rencontrent le dimanche lors d’une sortie entre potes. En chiffres, il se présentait comme ça : 2,04 km de distance au tour, pour un dénivelé positif de 54 m. La description de la boucle pourrait, elle, se résumer ainsi : une courte portion de plat pour débuter, une montée cassante puis plus roulante pour continuer, une partie sommitale faite d’enchaînements rapides et parsemée de quelques difficultés (racines, tronc) et enfin, pour terminer, une descente cassante dans sa première partie (pierres) et plus roulante mais sinueuse et pentue sur la fin... Enfin, il faut préciser que le test s’est déroulé par temps sec, sur un sol qul’était tout autant. Bref, dans des conditions estivales.

LES OUTILS

Ce test a nécessité l’utilisation d’un appareil Powertap : celui-ci est un moyeu de roue arrière, muni de jauges de contraintes permettant de déterminer le couple de forces s’appliquant sur la roue. La mesure du couple et de la vitesse de la roue arrière permet de calculer la puissance (1) à la roue. Outre le Powertap, nous avons également eu besoin d’un Garmin Edge 705 sans fil, doté de fonctions multiples : enregistrement de la fréquence cardiaque, de la cadence de pédalage, vitesse, distance et altitude. Ces deux appareils ont été installés tour à tour sur l’Engine Lab et le semi-rigide. Le but de cet arsenal : recueillir toutes les mesures chiffrées nécessaires au test. A noter qu’il était indispensable de croiser les données de puissance et de fréquence cardiaque. La première fournit la puissance réelle délivrée à la roue (via le rendement du vélo) et la seconde l’énergie produite par l’organisme pour développer une puissance donnée.

LE TEST

L’idée de départ était d’abord de mémoriser convenablement le tracé, afin de pouvoir s’y lancer ensuite à allure soutenue. Mais sans se mettre complètement dans le rouge non plus. Suivant ce mode, nous avons au total effectué douze tours : quatre avec l’Engine Lab pour commencer, puis quatre avec le semi-rigide et les quatre derniers à nouveau avec le tout-suspendu. Plus de 6000 secondes d’essai ont été mises en banque, soit plus d’une heure et demie de roulage effectif. Évidemment, on observera que les phases de transition (changements de vélo) ne sont pas les plus significatives (cf graphiques). Une fois le test terrain terminé, à Pascal Tribotté de jouer : c’est lui qui s’est chargé de dépouiller toutes les données chiffrées de cet essai et d’en dégager les conclusions avec nous... (1) : la puissance est l’association de la force et de la vélocité. Elle est exprimée en watts.

LES CONCLUSIONS

Le premier constat est physiologique : il faut rouler 45 minutes au minimum pour avoir une bonne corrélation entre la puissance et le rythme cardiaque - les 45 premières minutes ont servi à chauffer l’organisme -. Mais que retenir de ce test final au niveau matériel ? L’examen des données chiffrées fait ressortir plusieurs aspects, dont un élément particulièrement frappant : pour effectuer le même temps au tour, on observe que la puissance moyenne développée sur la roue arrière des deux vélos est strictement la même. Il y a donc égalité parfaite entre le semi rigide de et le tout-suspendu : malgré son embonpoint, ce dernier parvient à rivaliser avec le hardtail. Si l’on va au bout de la logique, l’efficacité des suspensions (grip, qualité de roulement...) compenserait donc les 1,77 kg de différence entre les deux vélos. Cela incite à relativiser l’importance que l’on accorde au poids, qui n’est plus le seul critère important dans la performance comme on le croit trop souvent. Malgré la différence de masse, on s’aperçoit aussi qu’à puissance égale à la roue arrière, le rythme cardiaque moyen sur le hardtail est plus élevé que sur le tout-suspendu. Cela tend à prouver que sur le semi-rigide, on doit mobiliser un surcroît d’énergie qui sert à autre chose qu’au pédalage : sur le vélo, on est davantage en prise, on se fait plus secouer, les bras travaillent plus, bref, on doit s’employer davantage pour « piloter ». A l’opposé, le tout-suspendu est plus économe « en puissance corps ». Et ce, dans des proportions assez significatives : en moyenne, on voit que le rythme cardiaque avec le hardtail est 1,10 % plus élevé. Si l’on traduit cela autrement, cela représente 1,7 battements par minute en plus, soit 8 watts ou encore 10,5 secondes de différence sur notre tour de référence (2,04 km). Ce n’est pas anodin ! On a également observé que le meilleur temps absolu au tour a été effectué avec le 140 mm : 436 secondes, contre 442" pour le hardtail. Le constat final plaide donc largement en faveur du tout-suspendu. Nous aurions aimé pouvoir segmenter le parcours afin de mieux se rendre compte où tel vélo était supérieur et ou tel autre perdait des plumes. Mais après ce test, on rêve surtout de chevaucher l’arme ultime : un tout-suspendu qui approcherait les 8 kg !

UN PLAN D’EXPÉRIENCE, QU’EST-CE QUE C’EST ?

Dans le jargon scientifique, le plan d’expérience est une méthode mathématique permettant de rendre précise une mesure « bruitée ». Celle-ci a permis ici de corréler le rythme cardiaque et la puissance produite par l’organisme. L’idée globale était en quelque sorte de décoder le fonctionnement de notre corps et d’en éliminer les fluctuations pour ne prendre en compte que les données « valides ». Exemple concret : lors des changements de vélo, le tour qui suivait n’était pas « optimal », l’organisme ayant eu besoin de temps pour se remettre en action (la consommation d’oxygène n’est plus corrélée à la puissance développée quand on vient de se reposer). on l’accorde, tout cela peut sembler assez scabreux pour le profane, mais le plan d’expérience est indispensable à la précision et à la pertinence d’un test.

QUESTION D’ÉTHIQUE

A la lecture de cet article, tu pourras trouver étonnant de constater que Pascal Tribotté, directeur technique d’Engine Lab, dirige un test qui met aux prises l’un de ses vélos. Et malheureusement, on ne pourra sans doute pas empêcher certains de penser que cet essai est orienté, bien qu’on espère les convaincre du contraire. Mais pour les autres, qu’on espère très nombreux, nous plaidons notre bonne foi et expliquons notre démarche : Pascal Tribotté nous a apporté sa brillante expertise pour ce comparatif dont la vocation est d’abord d’apporter des éléments chiffrés, et donc objectifs, à la problématique du rendement d’un vélo. Nous publions d’ailleurs ci-dessus toutes les données relatives à ce test. Convenons-en, c’est toujours plus facile de se forger une opinion quand on peut s’appuyer sur du concret et ici, c’est le cas...

LE TOUT SUSPENDU :

11,780 kg avec les roues

CADRE
Aluminium 7005

SUSPENSIONS
Amortisseur Engin Lab 140 mm
Fourche Révelation Dual Air 140 mm

TRANSMISSION
Derailleur AV/AR Sram X9
Pédalier FSA Alu Afterburner
Commandes Sram X9

POSTE DE PILOTAGE
Direction Acros AIW-03
Potence Ritchey WCS 4 Axis (95 mm)
Cintre Engine Lab

FREINAGE
Freins Formula R1 180/160

TRAIN ROULANT
Roues DT Swiss X1650
Pneus Schwalbe Rocket Ron 26x2.25

ASSISE
Tige de selle / Selle Engine Lab

LE HARDTAIL

10,01 kg avec les roues

CADRE
carbone

SUSPENSIONS
Fourche Rock Shox Sid World Cup 100 mm

TRANSMISSION
Dérailleur AV/AR Shimano XT / Sram X9
Pédalier Shimano XT
Commandes Sram XO

POSTE DE PILOTAGE
Direction
Cintre et Potence En me Lab

FREINAGE
Freins Formula RX

TRAIN ROULANT
Roues DT Swiss X1650
Pneus Schwalbe Rocket Ron 26x2.25

ASSISE
Tige de selle / Selle Engine Lab

Source : Vélo vert N° 227

Les données chiffrées {JPEG}

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